Rule, Britannia !

La boite.

Si la Grande-Bretagne n’a plus subi d’invasions depuis 1066, ça n’a pas été le cas antérieurement à cette date, loin s’en faut ! Belges, Romains, Angles, Saxons, Vikings, Calédoniens, Irlandais… les peuples étrangers ont été nombreux à fouler le sol anglais, dans un premier temps pour piller le pays, puis pour finir par s’y installer. A chaque fois, leur passage a profondément marqué l’île culturellement.

Ce sont ces invasions successives que Britannia (Edge Entertainment) se propose de simuler.

Le  jeu est relativement ancien puisqu’il a connu sa première édition en 1986 par l’éditeur britannique Gibsons Games. Le succès a été très rapide et ne s’est jamais démenti : plusieurs réimpressions et traductions ayant eu lieu depuis, notamment par Avalon Hill (USA) et Welt der Spiel (All.). Aussi, lorsque son créateur Lewis Pulsipher (qui avait conservé les droits) a annoncé une seconde édition remaniée. Nombreux sont les joueurs à avoir apporté leur contribution au projet. La seconde édition a été publiée en 2005 par Fantasy Flight Games et rapidement traduite en France par Edge.

Un matériel de bonne qualité

Si le jeu est prévu pour 3 à 5 participants, ce n’est qu’à 4 qu’il révèle tout son potentiel. Il se joue en 16 tours représentant environ 75 ans d’histoire. La partie se déroule sur une carte représentant l’île britannique divisée en trois entités (Angleterre, Ecosse et Pays de Galles) découpée en provinces. La durée d’une partie est d’approximativement 3 h.  Le matériel est d’excellente facture et les règles, largement illustrées, sont claires et faciles d’appréhension. D’emblée, le jeu comporte au moins deux mécanismes marquant son originalité.

Tout d’abord, chaque joueur ne contrôle pas un peuple mais quatre. Ces peuplades apparaissent au gré de la ligne de temps afin de conserver l’historicité du jeu. De même, ils disparaissent en fonction d’événements impératifs ou éliminés par des concurrents plus solides. Par exemple, les Romains entreront en jeu dès le premier tour et disparaîtront au sixième alors que les Viking n’interviendront qu’à partir du tour 12.

La carte
La carte

Chaque peuple a des objectifs précis résumés sur une carte permettant de marquer des points : occuper un territoire à tel tour, traverser une zone, éliminer les unités ou chefs d’une peuplade concurrente. C’est d’ailleurs là le cœur du système : ces objectifs vont conditionner la réaction du joueur et orienter sa stratégie. Chaque peuple concourt donc au total des points de victoire  du joueur. Ce système a un effet spécifique (que certains ne manqueront pas de qualifier de pervers) : il est difficile de déterminer qui est en tête de la partie. Ceci oblige donc à toujours faire de son mieux, une position de leader n’étant jamais assurée de façon absolue.

La seconde particularité tient dans le tour de jeu. Celui-ci n’est pas dicté par le nombre de points de victoire ou un tirage au sort, mais par les peuples. Les règles fixent précisément l’ordre dans lequel chaque joueur intervient en fonction des peuples qu’il contrôle. Ainsi au début du jeu, les Romains jouent en premier puis les Belges, puis les Calédoniens. Si une peuplade ne se trouve pas sur le plateau de jeu, on passe à la suivante et ainsi de suite jusqu’à la fin de la liste. Cet ordre est extrêmement important car il détermine comment vont être subies les invasions des nations fraichement arrivées. En d’autres termes, si un peuple joue avant, il aura l’occasion de se préparer, sinon il ne fera que réagir. Le système contribue donc à maintenir une certaine crédibilité historique.

Chaque peuple, lorsqu’il est activé, suit une série de phases assez classiques : accroissement de population/renfort, mouvement, combat, retrait des pillards et suppression de la population en surnombre. Néanmoins, le jeu comporte quelques variations permettant d’ajouter un peu de « chrome » et de caractériser plus spécifiquement les différents peuples. Ainsi les Romains n’ont pas d’accroissement de population mais disposent de renforts venus de Rome. Ils construisent également des forts et des routes permettant de tenir le terrain sans laisser de troupes et de circuler plus rapidement.

Les efficaes romains...
Les efficaces romains...

A cela, il convient d’ajouter quelques règles originales. Les pillards permettent de faire des raids depuis une des mers entourant Albion pour retourner s’y réfugier à la fin de celui-ci. Mais comme toujours, les objectifs finiront par obliger le joueur à s’installer durablement en Angleterre pour marquer des points. De même, l’arrivée de certains peuples constitue des invasions majeures et ceci est simulé par la possibilité ponctuellement accrue de mouvement et combat. Enfin, à compter du tour 10, les joueurs élisent parmi eux un Bretwalda puis un Roi permettant de marquer des points supplémentaires.

Un des Britannia-like
Un des Britannia-like

Britannia est un jeu extrêmement tendu, la victoire se faisant bien souvent à l’arrachée. D’une historicité exemplaire, il n’enferme pas pour autant les joueurs dans un pénible carcan mais plutôt oriente subtilement leur jeu. En outre, il permet de comprendre en quoi la Grande-Bretagne est le produit d’un melting-pot ancien et d’une acculturation tout comme n’importe quel autre pays européen, et ce malgré l’absence d’invasions depuis 1066. A ce titre, Britannia a donné naissance à toute une série de jeux : Maharadja (AH/Descartes), Hispania (AWE), et Italia. Tous ne présentent pas le même équilibre, mais n’en demeurent pas moins une intéressante alternative.

A l’heure où j’écris ces lignes, le jeu est dispo et en promo chez Ludocortex.

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